Lisez des polars !

Si le polar est le reflet de la société, alors lisez des polars, vous la comprendrez mieux. Des polars contemporains, historiques, des romans bien noirs, des policiers humoristiques, des thrillers, des polars régionaux, des polars mondialisés, qu'importe! A celles et ceux qui parlent d'un sous-genre litttéraire, je réponds qu'il n'en est rien, bien évidemment. Après tout, la trame policière nécessaire à tout bon polar n'est-elle pas prétexte à dresser le portrait de gens, portraits psychologiques, intimes, insérés (bien ou mal) dans une société donnée? C'est ce que font la plupart de celles et ceux qui ont choisi de s'exprimer par le roman policier ou polar, pour reprendre le terme familier et argotique que les Français utilisent volontiers (NB: le terme polar désigne aussi le film policier).

Claude Chabrol, cinéaste prolifique, utilisait souvent le polar (il a adapté Ruth Rendell, Ellery Queen...) pour faire ses portraits au vitriol de petits-bourgeois de province, que l'on peut voir à l'oeuvre - il y a souvent un assassinat - notamment dans sa série "Inspecteur Lavardin" (NB: les deux films pour le cinéma et la série "Les Enquêtes de l'inspecteur Lavardin" pour la TV). J'ai rencontré plusieurs fois Claude Chabrol, alors résidant de Gennes (près de Saumur), en tant que journaliste à la Nouvelle-République. En 1999, après la sortie de "Au coeur du mensonge", un polar tourné en Bretagne (selon nous, l'un de ses meilleurs films, avec Jacques Gamblin, Sandrine Bonnaire, Valeria Bruni Tedeschi, Antoine De Caunes), il nous disait: " C'est un film sur le mensonge et la culpabilité, effectivement sous la forme d'un polar: cela me permet de dresser un constat en trompe-l'oeil, et d'aller loin à l'intérieur des personnages. Le polar est un genre où on peut mettre beaucoup de choses, et en plus c'est un genre qui plaît aux gens. Il faut toujours trouver la manière d'intéresser le public ".

 

Ainsi décrit par un cinéaste qui a beaucoup abordé le genre, lui-même disciple du grand Hitchcock, le maître du suspense cinématographique, le polar serait donc prétexte à portraits travaillés, à histoires fouillées, à situations compliquées d'où tout le monde ne ressort pas forcément indemne...ou vivant! Tous les polars n'ont sans doute pas cette précision d'ajusteur, cette profondeur psychologique, mais depuis que le genre existe, le polar fait son cirque, il s'éclate, prend son pied. Il se montre, se fait voir, il interpelle, choque, distrait, surprend, provoque. Il se rebiffe, se rebelle, s'insurge, dénonce, crie. Et fait peur, puisque c'est aussi sa vocation. Le ressort policier a le don de faire monter l'adrénaline du lecteur ou du spectateur lambda. En vérité, le polar est riche de sa diversité et sait repousser loin les limites du genre. Il a toujours de nouveaux lecteurs, de nouvelles lectrices à conquérir, tant sa gamme est variée.

De Conan Doyle à Henning Mankell en passant par Léo Malet, d'Exbrayat à Agatha Christie en passant par Elisabeth George, de Donna Leon à Jean-Bernard Pouy, Didier Daeninckx ou James Hadley Chase, de Dashiell Hammett et Andrea Camilleri à Dennis Lehane et Michael Connelly, sans oublier Donald Westlake (que j'adore), Mary Higgins Clark ou Patricia Cornwell, le polar est dans tous ses états. Et cela n'est pas près de finir, croyez-moi, le genre étant inépuisable, multiforme, modulable et transformable à souhait, quand il n'est pas directement influencé par les faits divers....

Bertrand Gilet (septembre 2011)

 

légende photo: Claude Chabrol, ici avec Jean Carmet, lors d'une animation ciné à Gennes, dans le Saumurois. Claude Chabrol a habité Gennes, près de Saumur, pendant une dizaine d'années. Crédit photo: Bertrand Gilet pour La Nouvelle République (droits réservés BG-NR).

Livres chroniqués :

UN OCEAN DE POLARS: quelques polars récents, édités ou traduits à partir de 2011, qu'ils soient signés d'auteurs reconnus, méconnus ou inconnus, Français, étrangers, best-sellers, premiers romans: qu'importe le cépage, si ces romans du genre policier nous conduisent au millésime de qualité voire à l'ivresse frissonnante. Un triple critère est cependant retenu ici, dans notre sélection tout à fait partiale et subjective: l'originalité de l'intrigue, la profondeur psychologique des personnages, la qualité de l'écriture. Un cocktail nécessaire.

POLARS INTEMPORELS: mêmes critères de qualité, concernant des polars de toutes les époques.

COUPS DE COEUR: mêmes critères de qualité, plus une sympathie particulière pour ces romans pas forcément connus, mais attachants, surprenants, personnels. Des polars qui me plaisent, tout simplement!

POLARS NANTAIS: mêmes critères de qualité pour des polars se situant partiellement ou totalement à Nantes et ses alentours, à Saint-Nazaire, dans la presqu'île de Guérande, dans le Pays de Retz, dans le vignoble, bref dans toute la Loire-Atlantique.

PLUIE DE POLARS!: c'est l'autre titre de ma rubrique Coups de coeur. Mêmes critères de qualité pour ces polars, parfois premiers romans d'auteurs narrant une intrigue originale. Empreinter à son pas le chemin du polar, c'est prendre le risque de tomber, chemin faisant, sur une pépite. C'est prendre son temps pour lire une bonne histoire, avec une ambiance et des personnages attachants. Et de la savourer à loisir. Il pleut des polars, profitons-en!