" Arpentant la place de la Révolution, en proie à un accès de rage impuissante, Conrad avait tenté de noyer sa détresse avec des mojitos corsés, auCafé Paris, sous la surveillance de quelques filles attablées qui lui adressaient des sourires engageants. Il pensait sans cesse au mystère de la disparition de sa mère ".

Sa mère ? Marthe, une femme très impliquée dans l'ONG qu'elle a fondé, assassinée à Paris, quoi que sa mort fut maquillée en suicide. Conrad, un peu paumé, vit sous la coupe de son père Joren, qu'il n'aime pas vraiment, et il est coupé de sa soeur Héloïse qui semble le mépriser.

Conrad doute de tout et de tous et, en faisant la connaissance de Manu, une jolie Ukrainienne cabossée par la vie mais dotée d'un mental d'acier, par ailleurs maîtresse de son père et qui fut l'amie de sa mère, il reprend du poil de la bête et se retroiuve à Cuba, où il fait la connaissance de Dahlia, une jeune femme aussi démunie socialement que son père nage dans l'opulence. 

D'incessants et captivants allers-retours balisent ce roman, le quatrième (après sa trilogie nantaise) de Carl Pineau, cet écrivain voyageur qui puise dans ses périples et son goût pour l'actualité, la quintessence de romans rythmés, remplis de personnages adorables ou alors peu reluisants, avides d'argent, d'argent et encore d'argent : que ne font pas les nantis pour quelqques millions, allez disons même quelques milliards de plus ? A Cuba comme à Paris, en Europe et dans le monde entier, les puissants misent sur la corruption, les pots-de-vin, le favoritisme et triomphent de toutes les situations, même si le scandale politico-financier des Panama Papers, toile de fond de ce polar passionnant, assène des coups violents en pleine tête à cette délinquance en col blanc.

Conrad, Dahlia et son jeune frère Armando, Manu, sont les héros de Pour quelques millions qui , s'il décrit une violence endémique, est aussi et surttout un roman plein d'humanité. C'est aussi le travail du romancier que de la faire ressortir tout au long d'une oeuvre. Un polar très réussi, en tout cas.