C'est un polar de facture classique, fort bien construit, que ce roman de Guy Tanguy (nom collectif Guy Autret et Tanguy Abgrall), autour d'un assassinat, celui du haut fonctionnaire Charles Delaunay, en son manoir de Treillières, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. Bien vite, les machines qui forgent ou défont la vérité - la justice, la police, la presse - se mettent en branle pour que ce crime odieux soit rapidement résolu. Un coupable rapidement identifié, après tout, quoi de plus rassurant! Mais la sage Chantal Delaunay, malgré les apparences de jolie épouse bourgeoise rangée, qui vit sa vie, discrètement avec son amant, le docteur Bernard Pelletier, ne laisse pas de donner le trouble. Ce dernier ressemble étrangement à l'homme aperçu le soir du meurtre par la bonne du couple, Mme Rousseau, mais c'est un voisin des Delaunay, l'écrivain Patrick Guérin, qui va être suspecté, puis inculpé avant d'être disculpé.

Le journaliste Philippe Calvez, "fouille-merde" et fier de l'être; l'inspecteur divisionnaire Alain Lemoine, flic zélé, mènent leur enquête chacun de son côté, pour démêler le vrai du faux, au moment où un second cadavre est découvert dans le coffre d'une voiture. Est-il lié à l'affaire Delaunay? Oui, en apparence. Mais la justice, on le suppose, n'a que faire des apparences.

L'originalité de ce roman passionnant, fort de rebondissements imprévus, est qu'on ne sait trop, en tant que lecteur, qui manipule qui. D'autant que Guy Tanguy adopte, selon les chapitres, le point de vue de l'un, de l'autre, de l'enquêteur, du suspect, du juge. Si bien que dans cette histoire qui se fait chapître après chapître de plus en plus diabolique, le lecteur est ballotté entre les uns et les autres, essayant de s'accrocher à la raison cartésienne.

Un polar dénonciateur d'injustice, voilà qui est vraiment très estimable.