" Un armateur est mort avant-hier, pensait-il. Un agent en douane hier.  Ce matin c'est un importateur de phosphates et de bois tropicaux. Et pendant que le tueur, un porte-clefs en argent dans sa poche, cherche une nouvelle victime, nous sommes ici une malheureuse demie-douzaine de flics épuisés, désarmés, avec bientôt toute la ville sur le dos, si ce n'est pas tout le pays,...Je me demande si ce type va rappeler. Qui est-il? Un fou, un désaxé? Un malheureux qui se venge de la "société"?"

Alors que le commissaire Choppard enquête sur un vaste trafic de drogue, plusieurs meurtres surviennent dans le centre ville de Nantes. Nous sommes en période pompidolienne, voire déjà giscardienne (le roman date de 1977). Nantes est encore "la belle endormie" et est choquée par les titres de la presse locale. Et bientôt un commissaire de l'anti-gant, Maës, vient prêter main forte à l'équipe Choppard, signe qu'il faut agir très vite avant que la pscychose ne s'installe sur la ville.

Les victimes sont toutes des notables, issues de la bourgeoisie du cru, et peu ou prou liées aux armateurs dont les ancêtres pratiquèrent le commerce du bois d'ébène. Un sujet nantais, donc, choisi par l'auteur, Bernard-Paul Lallier (Eric Deschodt de son vrai nom: journaliste, romancier, traducteur, dont le polar "Le saut de l'ange" reçut en 1968 le prix du Quai des Orfèvres (il sera adapté au cinéma en 1971 par Yves Boisset).

Y a-til derrière ces meurtres une référence historique à la traite des noirs et une sombre vengeance idéologique qui en découlerait? En 1977, Nantes n'a pas encore entamé sa "repentance", comme ce sera le cas, beaucoup plus tard avec la municipalité Ayrault. Ce polar est donc préminonitoire d'un renouveau de la conscience collective nantaise, et à ce titre très intéressant. D'autant que le roman, bien construit et à l'intrigue bien ficelée, pénètre dans les entrailles de la ville de Nantes après avoir ausculté ses fils de bonne famille. 

A lire absolument!