Avec ce surprenant opus de Cyrille Launais, "Les voleurs de cerveaux", les Nantais qui ont connu les années 50 dans leur bonne ville, comme les non-Nantais (nul n'est parfait!) se trouvent plongés dans une atmosphère polar à la Tonton Flingueur, avec un dessin clair et des remarques qui dézinguent: " J'ai pas fait beaucoup d'études, mais j'ai pas l'impression que la transhumancese se fasse en direction de l'estuaire".

Qu'es aco? Un scaphandrier, nettoyant les abords du pont transbordeur, met à jour des cadavres de moutons. A part ceux de Panurge popularisés par Rabelais, ceux-ci n'ont guère pour habitude de résider dans le fleuve. C'est le point de départ (improbable? étonnant?) de cette BD-polar dans lequel notre héros, Luc Renard, un simple livreur de librairie (NB: la librairie Bouquain, qui ressemble fort à une librairie toujours existante) se trouve impliqué malgré lui sur une affaire de meurtre. En effet, alors qu'il devait livrer un homme habitant Chantenay, retrouvé mort, il se retrouve en possession d'un carnet dans laquelle un dirigeant d'entreprise avait consigné des notes concernant...des cerveaux de moutons, aux pouvoirs quasi scientifiques!  L'affaire intéresse de près le commissaire Juve. Et comme son collègue Cognard, flic enquêtant sur un vaste vol de moutons, enquête pour son compte personnel, l'histoire des moutons est vite associé au vol de carnet et à une enquête finalement passionnante dans les rues et quartiers de Nantes.

Nous sommes en 1957 et Nantes, avec ses chantiers navals (qui fermeront 30 ans plus tard) est encore une grosse cité industrielle. Son coeur névralgique, la place du Commerce, vit au rythme de son aubette centrale et de ses autobus Chausson (NB: ces engins de transport jaune et bleu qui effayaient les écoliers que nous étions par leur grincement continuel).

Plus que l'intrigue donc, c'est à ces va-et-vient rythmés dans les artères du centre, de la place Jean-Macé à l'ïle Sainte-Anne, de Canclaux à la rue du Calvaire, que Luc Renard et sa cousine Jeanne, à bord d'une deudeuche (NB: 2 CV AZU de 1955, précise l'auteur) que le lecteur s'intéresse en priorité. C'est du reste l'esprit de la collection CosaNostra que de mettre en scène une ville et ses côtés noirs.

Le tout baigne dans une ambiance burlesco-noire, peuplée de personnages à la Launais-Lautner.

Un polar-BD attrayant, attachant et même mémorable!