"Le présent, c'était cet homme qui lui tournait le dos et appliquait contre ses yeux les oculaires de ses jumelles, qu'il dirigeait obliquement vers le bas, se tenant un peu penché, le dos arrondi sous le tissu tendu de l'impeccable veste blanche qu'il portait en toutes saisons, la tête abritée sous le chapeau également blanc. Un homme qui guettait quelqu'un, sans se douter qu'un autre le surveillait lui-même".

Dans "Chemin des douaniers", de Jean-Luc Russon, c'est à se demander qui surveille qui, en bordure de ce chemin côtier bordé de pêcheries, face à l'estuaire de la Loire. C'est ici, dans sa vaste maison, entre saint-Nazaire et Pornichet, que vit Sauveur, homme vieillissant et à la santé fragile, qui peine à se renouveler et à retrouver le talent et l'allant par lesquels il est connu, sous le nom de Sauvage, comme auteur de romans policiers réputés.

Par habitude, Sauveur observe à la lunette ses voisins immédiats, Charles Denoirvétu et sa femme Coline, avec lesquels il n'entretient que de fugaces et lointains contacts. Mais quand il observe le jeu auquel se livre Coline avec un inconnu, probabement son amant, et que survient ce qu'il croit être une chute mortelle sur les rochers de ce même Denoirvétu, l'affaire prend une tournure tragique. La police enquête, la justice est saisie.

Le commissaire Lemesurier, qui voue une réelle estime à Sauveur -et la réciproque est vraie- croit lui-aussi à l'accident, avant que la machine à tuer, ou à se tuer, s'emballe. Avec quatre morts en quelques jours, dans une portion infime de sentier, les accident prennent alors une autre signification...à moins d'accepter les coincidences!

Jean-Luc Russon signe ici un fin polar psychologique, dans le Saint-Nazaire côtier qu'il connaît visiblement comme sa poche. Et quel beau scénario cela ferait pour le cinéma!