Polars nantais

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***INTERVIEW: STEPHANE PAJOT (photo Martin Carcasse)

" Si un jour Nantes devient capitale du polar...."

 

Prolifique auteur de polars - cinq en quatre ans - Stéphane Pajot poursuit pour notre plus grand plaisir sa "saga" de romans nantais ((NB: Deadline à Ouessant, situé sur l'île éponyme, comporte des références à la cité des ducs). Il récidive cette fois avec Anomalie P, qui vient de sortir chez l'Atalante Polar. L'occasion pour nous de le faire s'exprimer sur son monde intérieur, sa manière d'écrire, ses références livresques en tous genres. Et d'évoquer le surréalisme, cet élément artistico-littéraire nous semblant bien présent dans chacun de ses romans. Ce qui n'est pas très étonnant dans une ville portuaire qui a nourri l'esprit du jeune Jules Verne et qui a fortement influencé André Breton. Nantes, plus surréaliste qu'elle, tu meurs, avec ses animations touristiques des Machines de l'ïle et sa troupe Royale de Luxe!

 

Question: Stéphane Pajot, comment est née l'idée de votre roman Anomalie P.?

"A l' origine, c'est l'idée du réalisateur nantais Philippe Guihéneuf, qui entend réaliser un film fantastique intitulé "La cité des Grenouilles". Il m'a proposé de lui donner un coup de main. Philippe travaille actuellement sur le scénario qui devrait être bouclé en 2015. Pour "Anomalie P.", j'ai "polardisé" le synopsis initial en partant de la vie d'un jeune homme en proie à ses démons, Tristan Madec, grand consommateur d'acides. Les éditions L'Atalante ont apprécié le sujet et décidé de le publier. C'est une belle aventure."

Qu: Ce n'est pas un vrai polar, au sens où le lecteur peut le lire aussi comme un roman d'aventures, un roman onirique, un roman trempé à l'encre du surréalisme, voire un conte pour enfants...via la Batraxil, substance de recherche autant que d'expérience...

"Les pépites de Batraxil, qui ne sont que des acides (LSD) ou trips, m'ont permis d'inviter le personnage principal à arpenter une cité imaginaire dont l'histoire reprend une légende locale de la ville d'Herbauges, cité de la luxure qui sera alors engloutie. L'Atlantide n'est pas loin. Cette ville sous les eaux est dirigée par des grenouilles, leur système de société est dictatorial. C'est le côté surréaliste. Sur la terre ferme, tout est (presque) normal, un tueur à gages doit descendre un fournisseur de drogues à base de crapauds qui a failli. C'est la face polar".

Qu: L'élément extraordinaire, surréaliste, est présent dans tous vos polars récents: Selon les premiers éléments de l'enquête, Carnaval infernal, Aztèques Freaks, Deadline à Ouessant...Une constante, une obsession?

"Je me suis toujours nourri des vies fracassées, cabossées et atypiques. L'univers du cirque au début du 20e siècle avec ses phénomènes de foire, les célèbres "freaks", en regorge, la nébuleuse du Surréalisme, dont les prémices s'inscrivent à Nantes, m'a toujours fasciné, de Jacques Vaché, le pionnier, à Claude Cahun/Lucy Schwob, la photographe et résistante qui finira sa vie à Jersey avec son amie, Suzanne Malherbe/MarcelMoore. Chaque vie des Surréalistes est un roman."

Qu:Vous parsemez tous vos livres de personnages nantais - auteurs, artistes, gens de cirque - du XX e siècle, de Nantais d'aujourd'hui, de héros de fiction. Une manière de relier ceux d'hier à ceux d'aujourd'hui, non?

"Oui, mais la vie est faite de passerelles entre toutes les époques et de traces. L'histoire de nos aînés en dit beaucoup sur ce que nous sommes aujourd'hui. L'écriture permet aussi ce genre de fantaisie, se promener dans le temps, mélanger les dates, se servir de personnages ayant exité et leur faire vivre une fiction".

 

Qu: Quels sont les écrivains qui vous ont le plus pour écrire?

"Richard Brautigan, John Fante au chapître américain; Didier Daeninckx et Jean-Bernard Pouy au rayon français. Plus tard, j'ai découvert Lisa Bresner et Pierre Bordage, deux auteurs nantais qui m'ont aussi remué. Et plus récemment, Léonardo Padura et Edogawa Ranpo. Deux livres, deux claques. Un livre peut changer sa façon d'être et de comprendre le monde du jour au lendemain. J'ai une ardoise envers beaucoup d'écrivains français: Djian en a fait le titre d'un de ses livres, "Ardoise", où il rend hommage aux écrivains qui l'ont forgé. C'est exactement ça. Chaque auteur a son ardoise. C'est comme au bistrot, un jour où l'autre, il faut bien la régler".

Qu: Nantes, ville portuaire et ville de parcs, ne serait-elle pas pour vous cette ville où le rêve et la réalité s'interpénètrent en permanence, entre le Passage pommeraye cher à Jacques Demy et la place Graslin où mourut Jacques Vaché, entre l'Erdre et la Loire, entre Jules Verne et les Machines de l'ïle?

"Le rêve et la réalité s'interpénètrent en permanence où que l'on soit quand on a gardé une âme d'enfant. A Nantes, forcément, puisque j'y suis né; mais pour être allé à Prague, Barcelone, dans le vieux Nice ou à Ouessant le début du monde, l'invitation entre les deux mondes est partout".

Qu: Justement, Tristan Madec, votre héros en recherche de sensations, n'est pas si loin de Jacques Vaché, célèbre écrivain surréaliste nantais, fumeur d'opiacés, retrouvé mort en 1919 dans sa chambre d'hôtel de la place Graslin. Avez-vous pensé à lui en écrivant Anomalie P.?

"Oui, je pense toujours à lui, même quand je n'écris pas. A ce bon vieux Jack, comme dirait le spécialiste nantais de Vaché, Patrice Allain".

Qu: Notre ville inspire de plus en plus d'auteurs, dont des auteurs de polars. Qu'en pensez-vous?

"Plus il y aura d'auteurs, plus il y aura d'histoires à lire, je n'en pense que du bien. Si un jour Nantes devient capitale du polar, ça fera un beau titre".

Qu: Stéphane, nous mijotez-vous un nouveau polar et si c'est le cas, accepteriez-vous, pour Polars Nantais, de nous en parlez un peu?

"C'est un polar qui se trame dans la presse locale, un milieu dans lequel j'ai grandi, où l'on croise autant d'amis que de roublards; le personnage principal, un journaliste, est appelé un soir sur un double homicide. Sur la route, l'une de ses collègues lui fait alors une révélation fracassante qui va bouleverser sa vie".

(Propos recueillis par mail par Bertrand Gilet, le 12 novembre 2014).

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NB: les cinq derniers polars de Stéphane Pajot sont chroniqués sur notre site: rubriques polars nantais ou Un océan de polars.


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Le Blog de Bertrand Gilet