Polars intemporels

Tous les enregistrements
L'ANGE ET LE RESERVOIR DE LIQUIDE A FREINS Alix de SAINT-ANDRE Série Noire, Gallimard, 1994. 301 pages.

" -Il t'a dit quoi, Marchand?

-Que c'était un drôle d'accident, parce que vos deux bonnes soeurs, elles criaient au secours depuis le haut de la côte de la Croix, c'est même les hurlements qui ont alerté Périgault, bien avant qu'elles aillent s'écrabouiller en bas.

-Quelle horreur!".

Marche-à-Terre, ange à hauteur d'humains, assiste à une série de meurtres dans le Saumurois, dont cet accident de 2 CV à La Mimerolle, entre Saint-Hilaire-Saint-Florent et Chênehutte-les-Tuffeaux": ce n'est pas parce que soeur Marie-Claire, qui conduisait, n'avait pas le permis que l'accident s'est produit...non, c'est juste qu'elle avait une balle entre les deux yeux!  Stupeur. Curiosité aussi. Enquête jusque dans le pensionnat de jeunes filles où elles officiaient: "L'excitation était intense, le premier cadeau de la vraie vie. Pour beaucoup, soeur Marie-Claire était le premier vrai cadavre de leur existence".

Dans ce roman culte d'Alix de Saint-André, elle-même saumuroise (et fille d'un ancien écuyer en chef du Cadre noir), c'est pourtant moins l'intrigue policière qui compte - prétexte à une série de portraits bien sentis - que le témoignage vivant de l'époque pompidolienne, quelque part le long de la Loire, où la douceur, à l'image de son fleuve capricieux, n'est qu'apparente. 

Retour à l'enquête: dans "L'ange..", une bonne soeur est vite suspectée du meurtre de sa congénère, avant que la voiture où elle se trouvait fasse à son tout l'objet d'un examen technique sérieux. Voyons, qui avait intérêt à tuer soeur Marie-Claire, l'archiprêtre puis cette bénie oui oui de Catherine Garraude? Hein, qui?

Truffé de références religieuses et pétri de culture judéo-chrétienne, "L'ange..." est un délice de tous les instants, un régal de toutes les pages, qu'on peut lire à voix haute pour mieux s'en imprégner. Roman-culte donc, mais aussi roman de moeurs, roman de bons mots et de bonnes expressions, roman humoristique aussi, et portrait au vitriol du monde catho. Ici, le meurtre et la religion sont intimement liés, mais qui s'en étonnerait: n'a-t-on pas tellement massacré, par le passé, à coups de sabre et de religion?

Ici, le crime est plus feutré, si l'on peut dire. Plus difficile à mettre à jour. Stella, Hélène et leurs amies pensionnaires, qui mènent leur propre enquête, ne sont pourtant pas dénuées de logique et de réflexion. Leurs révervoirs d'idées sont pleins, leur détermination n'a pas de freins. Et puis, l'ange ne veille-t-il pas sur elles?