"Le déjeuner fut bizarre. Tous avaient compris que nous étions maintenant en compétition directe. En même temps, on cherchait à maintenir quelque chose de la convivialité précédente, pourtant toute relative. Comme quand, pendant un concours, on installe les concurrents dans le même réfectoire: solidaires dans notre commune condition de victimes des manigances de De Wavre International, mais cependant adversaires attentifs à tout ce que l'autre pourrait laisser échapper et veillant à ne rien trahir soi-même. Cela donnait à la conversation un tour étrange, fait de demi-mots, de phrases retenues, d'allusions voilées, d'ironie étouffée".

Jérome Carceville, le narrateur, cadre brutalement licencié, savait en répondant à une annonce de recrutement de chasseurs de têtes, que la sélection serait dure. Il passe néanmoins les tests avec succès, et se prépare à se rendre aux ultimes tests de sélection, sur une île au milieu d'un lac, en compagnie d'autres gens qui, comme lui, espèrent retrouver un emploi. Des affinités, des amitiés même se nouent, puis se dénouent. Avec lui, une quinzaine de cadres ont exactement la même impression. A moins que parmi eux se trouvent des mouchards qui espionnent les candidats jour et nuit? Jérôme va peu à peu découvrir un monde implacable, impitoyable, violent même. Et meurtrier.

Michel Crespy signe ici un polar qui, avant de se terminer par du sang, est d'une extrême violence psychologique. A l'image de celle de la société, finalement. Et d'ailleurs, qui manipule qui, dans ce huis-clos dérangeant?