Polars nantais

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NANTES BANG ! BANG ! Stéphane PAJOT Editions d'Orbestier, 2020. 105 pages. 9,50€.

" Le ciel grondait sur la rive gauche de la Loire sur l'Île de Nantes. La détonation fut noyée dans le déluge et la fureur des cieux. Le tir provenait d'un homme placé à quelques mètres de l'usine Bleue, la raffinerie de sucre Beghin Say et de l'a Fabrique à glace. Un pêcheur de civelles s'écroula dans son bateau. Le tireur, qui portait une veste en cuir marron, mit sa mai, en visière vers une maison de l'autre côté du fleuve. Il se demandait si le riverain, dont il avait aperçu la silhouette, pouvait établir son portrait-robot à cette distance. Et si, dans ce cas bien précis, il devait également le rayer de la carte des vivants. Dégâts collatéraux. Ce n'était pas prévu dans son contrat, mais Luigi  n'aimqait pas prendre de risques ".

On devine que ça canarde sec dans la nouvelle fournée des nouvelles noires de Stéphane Pajot, publiées chez d'Orbestier sous le titre générique de Nantes Bang ! Bang !. Onze nouvelles bien noires, chacune située dans un de ces nouveaux super quartiers de la ville de nantes (NB:tels qu'ils avaient été redéfinis sous une mandature municipale précédente). Noires certes, mais de plusieurs tons et nuances, pas désespérées pour autant, ni trop morbides, tant les personnages de l'écrivain-journaliste, connu comme le loup blanc dans la Cité des Ducs, qui parsème ces pages de personnages fictifs ou réels (artistes, musiciens de rock ou de blues, patrons de bars, journalistes et autres espèces de poulpes), sont bien vivants.

De la Butte Sainte-Anne (où sévissent les tatas flingueuses, aux prénoms de filles citées dans les chansons d'Elmer Food Beat) à la place Viarme, du boulevard du massacre aux bords de l'Erdre ou au mythique Chalet Suisse, ancien établissement de la place Zola qui faisait dancing ou tonus (soiré étudiante) le soir, l'ami Pajot place ses chroniques fines sur le registre de l'amour, de l'amitié, de la rencontre, dans cette ville chérie et un peu déjantée qui peut apparaître dure à des esprits un peu cabossés par une vie qu'ils auraient espéré plus clémente.

Personnages pur beurre local qui s'accrochent à un rêve enfoui ou encore réalisable, avec ou sans muscadet dans le gosier, mais toujours avec une certaine ferveur, tel ce rocker condamné par le crabe, qui se paye un dernier concert sur la place de la Petite-Hollande. Doulon, Malakoff, le Petit-Port vibrent, et le lecteur avec, à ces histoires de survivance personnelle, du cimetière Saint-Jacques au centre-ville, au son du flingue, entre riffs, came et rififi.

Que le lecteur non-nantais se rassure: nul besoin de connaître parfaitement les artères, ruelles et rades de la cité nantalse du bon Jules Verne pour goûter à ces chroniques noires: elles sont universelles.

Mais le Nantais de base, de naissance, de coeur ou de hasard, se délectera des nombreuses références à tel ou tel lieu de la cité qui, finalement, reste le centre de ce livre (à jolie couverture).

Et en ces temps de morosité psycho-sanitaire (2020, annus horribilis), ces nouvelles de Pajot sont plutôt jubilatoires.

Bertrand Gilet


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